Réduire l'exposition au tabac en établissement pénitentiaire, une recherche interventionnelle : de l'exploration des pratiques à la co-construction de l'intervention
Reducing tobacco exposure in prisons, intervention research : from exploring practices to co-constructing the intervention
par Clément PICOT-NGO sous la direction de Karine CHEVREUL et de Joëlle KIVITS
Thèse de doctorat en Prévention et promotion de la santé
ED 393 École doctorale Pierre Louis de santé publique : épidémiologie et sciences de l'information biomédicale

Soutenue le lundi 16 décembre 2024 à Université Paris Cité

Sujets
  • Prisons
  • Promotion de la santé
  • Tabagisme

Les thèses de doctorat soutenues à Université Paris Cité sont déposées au format électronique

Consultation de la thèse sur d’autres sites :

https://theses.hal.science/tel-05033227 (Version intégrale de la thèse (pdf))
Theses.fr (Version intégrale de la thèse (pdf))

Description en anglais
Description en français
Mots clés
Tabagisme, Prison, Recherche interventionnelle, Inégalités sociales, Addiction, Promotion de la santé, Méthodes qualitatives, Sociologie
Resumé
En France, la consommation de tabac en prison est légale, et environ 73 % des détenus fument durant leur incarcération. La consommation de tabac constitue l'une des principales causes de maladies chroniques et de mortalité dans cette population, renforçant ainsi les inégalités sociales de santé. Cependant, aucun programme national d'aide à l'arrêt du tabac spécifique à la détention n'est actuellement mis en place en France. Dans le cadre du projet de recherche interventionnelle TABAPRI visant à développer, à mettre en oeuvre et évaluer un programme de réduction ou d'arrêt du tabac spécifiquement adapté au milieu carcéral, cette thèse a été réalisée afin d'étudier le contexte d'intervention et de co-construire un programme de réduction de la consommation de tabac avec les personnes détenues. Il s'agit d'une part de mieux comprendre les spécificités sociales et émotionnelles liées aux usages de tabac en prison, ainsi que les perceptions des obstacles à l'arrêt et, d'autre part, d'identifier les configurations envisageables d'une intervention acceptable et pertinente dans le contexte des prisons. Basé sur des méthodes issues de la recherche qualitative, le travail s'articule autour de deux grandes étapes : 1/ Contextualisation : 51 entretiens individuels semi-directifs ont été réalisés avec des personnes détenues et des professionnels pour identifier les rôles du tabac et les facteurs influençant la consommation et l'entrée dans une démarche de sevrage. 2/ Co-construction : 7 focus groupes ont été organisés avec des détenus et un détenu à été intégré à l'équipe pour élaborer collectivement des stratégies d'arrêt du tabac et développer une boîte à outils fondée adaptées à leur besoins et réalités. Les résultats de la première étape révèlent que la gestion de l'ennui et des émotions sont les principaux facteurs de consommation de tabac en détention ; les rôles et usages sociaux du tabac sont également mis en évidence. Parmi les obstacles au sevrage, figurent les perceptions fausses sur le sevrage et ces instruments (substituts nicotiniques et unités sanitaires), l'exposition au tabagisme passif et un accès limité aux activités de groupe ou aux produits de substitution et à la vapoteuse. Plusieurs leviers d'action sont identifiés dans l'analyse des résultats de la deuxième étape : le changement des représentations liées au sevrage, l'organisation d'activités spécifiques au contexte carcéral, l'encouragement de l'entraide entre détenus, et la mobilisation du soutien familial. La phase de co-construction a reposé sur la présentation des résultats de la première phase aux détenus, favorisant ensuite des échanges entre l'équipe de recherche et les détenus afin de définir un ensemble d'actions concrètes tenant compte des ressources disponibles et des contraintes propres à la détention, et incluant l'organisation de plusieurs modules : un événement de lancement interactif pour diffuser des informations incitatives ; un atelier de bilan individuel pour évaluer sa consommation, définir ses besoins et élaborer une stratégie personnalisée ; plusieurs ateliers thématiques reposant sur les ressources mobilisées par les détenus fumeurs ou anciens fumeurs pour se passer du tabac (activité physique, alimentation, relaxation, substituts nicotiniques et vapoteuse, arts et jeux). Cette thèse discute de l'intérêt d'articuler exploration du contexte d'intervention et participation des populations concernées, pour élaborer des stratégies concrètes et acceptables. Dans cette étude, les personnes détenues ont été impliquées à l'ensemble de la démarche de recherche pour favoriser la co-construction d'un programme qui soit adapté à leurs besoins et réalités. En proposant des solutions innovantes pour la réduction des risques et la promotion de la santé dans un contexte difficile, cette étude contribue à la lutte contre les disparités sociales de santé.