Mots clés |
Sociologie de l'action publique, Associations, Légitimation, Référentiels, Territoires, Régulations locales, Stratégies d'insertion, Élite urbaine, Réseaux |
Resumé |
Dans le contexte de l'essor des associations qui a suivi la révolution tunisienne de 2011, cette thèse interroge la participation des associations au changement des politiques publiques qui ont favorisé la marginalisation sociale et territoriale sous l'ancien régime. Adoptant une approche de sociologie de l'action publique, la thèse s'appuie à la fois sur l'analyse des réseaux d'acteurs, des coalitions et de leurs systèmes de représentation et sur l'analyse localisée des configurations associatives de Kasserine et de Sfax. Cette approche permet d'étudier la fonction institutionnelle des réseaux associatifs, tissés à la fois à partir des trajectoires des activistes et des dispositifs mis en place par les associations, et de saisir des formes de régulation particulières à des échelles plus petites. La première partie de la thèse montre que la discontinuité majeure issue de la révolution se situe d'une part au niveau de la pluralité d'acteurs aux projets différents et de lieux qui rentrent en jeu dans la définition de l'action publique ; et d'autre part au niveau de la perte du monopole du pouvoir de l'État et de l'ancien parti hégémonique. Des référentiels émergent pour penser une action publique renouvelée, où les associations sont impliquées en tant qu'acteur majeur. Ils légitiment des programmes, des instruments et des systèmes de coordination territoriale censés contrer les situations de marginalité et renouveler l'action publique dans un sens plus démocratique et inclusif : l'économie sociale et solidaire, la charité religieuse, la démocratie participative. La deuxième partie de la thèse s'attache à analyser l'émergence de configurations locales de l'action associative à partir des coalitions et des réseaux constitués à la fois dans l'engagement et avec la mise en œuvre de projets. Dans la ville de Kasserine, la participation des associations à l'action publique relève d'une économie politique locale liée aux ressources de la coopération internationale. La situation de concurrence entre associations, notamment pour s'accaparer l'aide technique et financière internationale, permet l'émergence de réseaux d'insertion où l'impératif entrepreneurial joue à la fois comme distinction et comme stratégie d'insertion. En revanche, dans la ville de Sfax, les associations jouent un rôle clé de construction de coordinations entre acteurs différents. À partir d'un circuit de ressources internes, la construction de réseaux d'associations crée une véritable gouvernance territoriale, où des formes de régulation sectorielle locale s'instituent, notamment dans les domaines des politiques sociales et de la participation aux décisions municipales. La pluralité des référentiels et des logiques d'engagement, le jeu des coalitions et les régulations locales articulent la pluralisation sociale et idéologique à la différenciation de sphères socio-professionnelles spécialisées et au polycentrisme institutionnel et territorial. L'articulation de ces processus entraîne la réorganisation des liens de dépendance, au-delà du centre étatique. L'analyse localisée montre, d'une part, l'émergence de configurations dépendantes de l'international, qui favorisent la bureaucratisation de l'action associative comme mode d'insertion. De l'autre, elle met au jour les prétentions hégémoniques de certains groupes sociaux engagés dans les associations, qui procèdent d'une logique élitaire outre que de la managérialisation. |