Mots clés |
Méthylation de l'ADN, UHRF1, Épigénétique du cancer, Sénescence, Système degron inductible par auxine, CGAS |
Resumé |
La méthylation de l'ADN est une modification épigénétique essentielle à la stabilité du génome, à la régulation de l'expression des gènes et à la répression des séquences répétées chez les mammifères. Après la réplication, les motifs de méthylation sont fidèlement reproduits par l'ADN méthyltransférase 1 (DNMT1) et son régulateur clé, UHRF1 (Ubiquitin-like with PHD and RING Finger Domains 1). UHRF1, grâce à ses multiples domaines fonctionnels, relie les modifications des histones à la méthylation de l'ADN et joue un rôle crucial dans le recrutement et l'activation de DNMT1 pour maintenir la méthylation. De plus, UHRF1 est fréquemment surexprimé dans les cancers et constitue un oncogène avéré in vivo. Cependant, il reste à déterminer si son action se limite à la régulation de DNMT1 ou si UHRF1 exerce d'autres fonctions importantes, notamment dans le contexte du cancer. Les schémas de méthylation aberrants de l'ADN sont une caractéristique commune des cancers humains. Étant donné que la méthylation de l'ADN est réversible, cibler cette machinerie représente une stratégie anti-tumorale prometteuse. Les inhibiteurs comme la 5-aza-déoxycytidine sont largement utilisés en recherche et en clinique, mais leur mécanisme d'action, souvent associé à des dommages à l'ADN, complique la distinction de leurs effets respectifs. Dans les lignées cellulaires de cancer colorectal humain HCT116 et DLD-1, nous avons utilisé un système degron inductible par auxine (AID) permettant une dégradation rapide et synchrone des protéines cibles. Nous avons observé que la déplétion d'UHRF1 entraîne une perte de méthylation de l'ADN bien plus importante que celle induite par l'absence de DNMT1. Cette hypométhylation n'est pas attribuable à une déméthylation passive, car les cellules dépourvues d'UHRF1 présentent des taux de prolifération réduits. Par des approches bioinformatiques, protéomiques et génétiques, nous avons également découvert qu'en plus d'activer DNMT1, UHRF1 interagit avec DNMT3A et DNMT3B, stimulant leurs activités, et qu'il antagonise la déméthylation active médiée par TET2. Ces résultats soulignent le rôle crucial d'UHRF1 dans l'homéostasie de la méthylation de l'ADN via plusieurs voies. Nous avons également exploré les effets de la déméthylation chronique de l'ADN dans les cellules cancéreuses. De manière surprenante, les cellules privées d'UHRF1 ou de DNMT1 ne meurent pas, mais entrent en sénescence. La déméthylation de l'ADN conduit à la surexpression de gènes impliqués dans la fonction lysosomale, le phénotype sécrétoire, la réponse à l'interféron et la voie p53. Toutefois, cette sénescence survient sans dommages à l'ADN et indépendamment des voies canoniques telles que p53 ou p16/pRB. Des mécanismes non canoniques, comme l'accumulation cytosolique de p21, favorisent les effets anti-apoptotiques. En outre, la suppression de la synthase GMP-AMP cyclique (cGAS) réduit le phénotype sécrétoire associé à la sénescence (SASP) et l'activité lysosomale, indépendamment de la voie STING. Des expériences de xénogreffes ont confirmé que la déméthylation chronique, notamment via la déplétion d'UHRF1, induit la sénescence in vivo. Mon travail met en lumière les rôles non canoniques d'UHRF1 et leurs implications pour des stratégies thérapeutiques avancées contre les cancers caractérisés par une méthylation aberrante. Nous avons montré que les cellules cancéreuses peuvent entrer en sénescence lorsque DNMT1 ou UHRF1 est inhibé, sans causer de dommages à l'ADN. Une thérapie combinée avec des sénolytiques pourrait ensuite cibler et éliminer ces cellules sénescentes, y compris dans des tumeurs dépourvues de p53, pRb ou p16 fonctionnels. |