Mots clés |
Droit, Loi, Justice, Actes et Paroles, Les Misérables, Quatrevingt-Treize, Hugo |
Resumé |
Le point de départ de cette recherche est la dissension hugolienne entre le droit et la loi comme expression du désaccord entre une conception légaliste et une conception morale de la justice. Hugo dénonce dans son œuvre les iniquités engendrées par la loi juridique qui reflète les injustices de la société du XIXe siècle : les peines sévères, la proscription sociale et morale sont des conséquences d'un système de justice injuste, basé sur le légalisme. La loi est l'expression nécessaire de cette société, elle est exprimée par la peine et la vengeance (talion) et l'anankè des lois est conçu en raison (et dans le cadre) de la vie sociale. Le droit, à son tour, s'oppose à la loi dans la mesure où il présente un rapport avec une forme supérieure (morale ou divine) de justice, raison pour laquelle il est indissociable de la conscience et des idéaux révolutionnaires, surtout la liberté. L'utopie hugolienne préconise la fin de la querelle entre ces deux éléments comme l'apogée de la civilisation : il faut d'abord entreprendre le combat politique, faire du droit le phare de la loi. En tant que poète et politique, Hugo réagit à la conception légaliste de justice en problématisant ces questions politiques et philosophiques à travers le conflit entre le droit et la loi et les enjeux qui en découlent (la justice, l'injustice, la pitié, la peine démesurée et la vengeance). Dans Les Misérables et Quatrevingt-Treize, ainsi que dans divers discours d'Actes et Paroles, la justice se rapproche de la pitié et elle configure une quête qui engage la morale en s'opposant à la vengeance. Le sentiment de justice et d'injustice oriente les actions des personnages. Il est engendré chez le lecteur à partir du pathétique. Autrement dit, la perception du juste et de l'injuste s'opère à partir de l'emploi de moyens poétiques et rhétoriques suscitant la pitié. Dans les romans, la voix politique de Hugo est identifiée à ce narrateur remarquant la lutte de l'auteur contre ce qu'il nomme la damnation par la loi. Il y a également des interruptions au cours du récit (digressions et prose poétique). Le chapitre « L'onde et l'ombre », où existe l'idée de la peine en tant que mécanisme qui engendre la misère et le chapitre « La goutte d'eau froide », où Cimourdain se figure Gauvain comme un ange justicier en sont des parfaits exemples. La prose poétique est composée de ressources comme le parallélisme et les figures de style qui présentent des images évoquant le conflit entre le droit et la loi. En outre, la construction, l'action et les transformations des personnages révèlent des conceptions de justice liées à la loi ou au droit et elles soulignent la coexistence du juste et de l'injuste dans leurs trajectoires : Javert et Cimourdain incarnent l'idéologie légaliste ; Myriel, Enjolras et Gauvain réclament une justice idéale en tant qu'équité. L'interaction entre le discours auctorial et le discours des personnages démontre la problématisation de la querelle de la loi contre le droit. En ce sens, nous pouvons mentionner les dialogues qui expriment l'affrontement de ces éléments (Myriel et le Conventionnel G., Cimourdain et Gauvain, Javert et Jean Valjean) ; les monologues (comme l'accusation et la défense de Champmathieu) ; et le discours rapporté qui exprime la manifestation du droit chez les personnages à partir d'une conscience qui oriente leurs actions pour concrétiser le juste et empêcher l'injuste. Cette prise de conscience amène Jean Valjean à révéler son identité pour empêcher la condamnation injuste de Champmathieu. Elle permet à Javert de ne pas exécuter son devoir légal d'arrêter le forçat évadé qui lui avait sauvé la vie. Elle oblige l'aristocrate Lantenac à rentrer à la Tourgue pour sauver les trois petits paysans en se livrant aux républicains et elle conduit le vote de Radoub contre la loi pour l'acquittement de Gauvain. |