Mots clés |
Sociologie du travail, Sociologie du genre, Visions du monde, Inégalité professionnelle, Plafond de verre symbolique, Corps féminin, Maquillage politique, Gender patchworking identitaire, Empowerment par procuration, Neutralité masculine, Pass misogyne |
Resumé |
Cette thèse interroge la persistance d'un malaise professionnel, symptôme d'un « plafond de verre symbolique », au-delà du « plafond de verre » (hiérarchique), à travers les visions du monde de femmes cadres supérieures et dirigeantes. Par le biais du découplage potentiel entre les vécus hétéronomes de ces femmes et les pratiques managériales des trois entreprises observées, ce travail analyse également les raisons latentes de cette persistance, ainsi que la manière dont la protestation ou l'adaptation à ces situations de malaise, vécues par ces femmes, peuvent se manifester au sein des institutions. Trois hypothèses guident l'explication : vécu corporel, dimension culturelle et auto-plafonnement (autolimitation). Mobilisant une démarche phénoménologique, parfois avec des traits s'apparentant à une démarche praxéologique, cette recherche combine plusieurs types de matériaux et d'approches théoriques nourris par différentes disciplines. Les résultats montrent que, nonobstant l'enthousiasme égalitaire mis en avant par les entreprises analysées, elles semblent davantage préposées à améliorer leur image publique qu'à apporter des changements substantiels. La structure n'a pas véritablement changé malgré ce « maquillage politique » : ce sont les femmes qui se sont adaptées, en adhérant à la mobilisation de leur subjectivité et en acceptant de se conformer à la « neutralité masculine ». Si elles se sont appropriées hiérarchiquement du pouvoir, elles continuent cependant symboliquement à le subir, à travers notamment un processus d' « empowerment par procuration ». Alimentée par divers facteurs, la persistance d'un malaise professionnel bride les femmes cadres supérieures et dirigeantes dans une double contingence : à la fois capitaliste « cage d'acier » et patriarcale « corset invisible ». Dans cette situation professionnelle, pétrie de contraintes, de « shaming patriarcal » et d'autorisations de comportements sexistes accordées par la structure via un « pass misogyne », ces femmes se retrouvent coincées dans un mode de vie solidement établi, qu'elles ont consciemment créé et qui est conforme à la raison instrumentale qu'elles ont désirée. Elles n'ont pas d'autres possibilités que de s'adapter, en ayant recours à un « gender patchworking identitaire ». Quatre visions du monde découlent de cette adaptation : Caméléon, Ladyboss, Olympe et Cosette. |