Mots clés |
Leucémie aiguë lymphoblastique, Hématopoïèse clonale, Chromosome de Philadelphie, Fusion BCR::ABL1, Hypodiploïdie sévère, Mutation TP53, Réarrangement de KMT2A, Séquençage à l'échelle unicellulaire, Maladie résiduelle |
Resumé |
La leucémie aiguë lymphoblastique B (LAL-B) représente le cancer le plus fréquent chez l'enfant bien que pouvant survenir à tout âge. Elle représente un modèle d'oncogenèse bien caractérisé et un paradigme de succès thérapeutique basé sur une optimisation progressive du traitement couplée à une stratification basée sur des facteurs pronostiques. Cependant, alors que le taux de guérison dépasse 90% chez l'enfant, son pronostic reste réservé chez l'adulte. Ce contraste s'explique en partie par la toxicité des traitements et les comorbidités qui augmentent avec l'âge. Une autre cause, complémentaire, tenant à la nature de la leucémie elle-même, nous a amené à formuler l'hypothèse de travail selon laquelle l'ontogénie des LAL-B de l'adulte se distinguerait de celle de l'enfant et déterminerait des caractéristiques génétiques, cliniques et pronostiques différentes. Nous avons centré notre étude sur les 3 entités de LAL-B les plus fréquentes chez l'adulte, définies par la présence d'un chromosome de Philadelphie (Ph+), d'une hypodiploïdie sévère (HoTr) ou d'un réarrangement de KMT2A (KMT2A-r). L'objectif de ce travail était de mieux comprendre la biologie de ces leucémies, leur lien avec le vieillissement et la réponse au traitement. Une attention particulière a été portée à la question de la cellule d'origine, aux altérations génomiques associées et à l'architecture clonale. Dans les LAL Ph+, nous avons révélé la persistance sous traitement de cellules BCR::ABL1-positives non leucémiques dans une proportion importante de patients. Cette population cellulaire répondant à la définition d'une hématopoïèse clonale témoignait de la survenue de l'évènement initiateur dans un progéniteur multipotent, remettant en question un dogme en rapprochant la LAL Ph+ de novo de la crise blastique de leucémie myéloïde chronique. Nous avons de plus montré que la maladie résiduelle mesurée sur la fusion BCR::ABL1 n'avait pas d'impact pronostique, contrairement à la réponse évaluée sur des marqueurs spécifiques des lymphoblastes, ceci conduisant à une transformation majeure de la pratique médicale concernant le suivi de la maladie et l'adaptation du traitement. Dans les LAL HoTr, après avoir décrit précisément l'épidémiologie, la composition chromosomique et le paysage mutationnel, nous avons analysé l'architecture clonale à l'aide d'une approche combinée de génotypage et d'immunophénotypage moléculaire à l'échelle unicellulaire. Ceci nous a permis d'identifier la mutation TP53 comme évènement initiateur, à l'origine d'une population pré-leucémique multi-lignée ou hématopoïèse clonale, pouvant persister au cours du traitement de la LAL. Enfin, dans les LAL-B KMT2A-r, nous avons décrit un paysage mutationnel particulièrement pauvre suggérant que le réarrangement de KMT2A peut être suffisant à la transformation oncogénique. L'analyse des réarrangements lymphoïdes suggère de plus que la transformation précède l'engagement lymphoïde. En accord avec ce modèle, nous avons montré que le réarrangement de KMT2A représentait un marqueur de MRD plus pertinent et fiable que les réarrangements lymphoïdes, souvent sous-clonaux. Nous avons également montré que les altérations additionnelles de TP53 et IKZF1 conféraient une plus grande résistance au traitement. L'ensemble nous a permis de proposer une nouvelle stratification du risque tenant compte de l'hétérogénéité biologique et clinique au sein de cette entité. Au total, nos travaux ont permis d'apporter de nouveaux éléments à la compréhension de l'oncogenèse des LAL-B de l'adulte, identifiant la cellule d'origine à un stade multipotent. Dans les LAL Ph+ ou HoTr, nos résultats indiquent que l'évènement initiateur de la leucémie donne naissance à une hématopoïèse clonale pré-leucémique, éclairant le lien observé avec le vieillissement. Ces résultats ont un impact majeur sur les pratiques cliniques quant à l'évaluation de la réponse au traitement, la stratification du risque et les choix thérapeutiques. |