Resumé |
Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) sont des hémopathies malignes caractérisées par l'infiltration au niveau de la moelle osseuse et du sang de cellules myéloïdes clonales bloquées à un stade peu différencié et proliférant en excès. Les LAM secondaires (LAM-s) peuvent survenir à la suite d'hémopathies myéloïdes chroniques, telles que les néoplasmes myéloprolifératifs (NMP). Ces LAM-s représentent 20% des diagnostics de LAM, dont 25% font suite à la transformation d'un NMP. Les NMP BCR-ABL négatifs caractérisés par la prolifération d'un ou plusieurs lignages de la lignée myéloïde sont liés aux mutations de JAK2V617F (JVF), MPL ou CALR. Elles sont acquises au sein de la cellule souche hématopoïétique et activent la voie JAK/STAT. Une des complications majeures des NMP est la transformation en LAM, presque toujours fatale, avec une médiane de survie comprise entre 3 et 5 mois. Les anomalies de la voie TP53 sont surreprésentées dans les LAM post-NMP comparativement aux autres types de LAM. Ces anomalies (délétions, mutations de TP53, amplification de MDM4) sont retrouvées chez 50% des patients contre moins de 10 % dans les LAM de novo. Au stade LAM, les anomalies de p53 impliquent les 2 allèles. Les mécanismes d'action des mutants de p53 dans les LAM sont controversés dans la littérature, entre un rôle dominant négatif et un rôle gain de fonction. Trois modèles murins ont été développés dans cette thèse : JVF/Trp53-/-, JVF/Trp53R172H/-, J2VF/Trp53R270H/-. Les modèles murins JVF sont hétérozygotes pour la mutation et modélisent la maladie de Vaquez dont la conséquence est une prolifération érythrocytaire. Les souris présentant une mutation faux-sens (MFS) de Trp53 développent précocement une majoration de la polyglobulie et de l'érythropoïèse, ainsi qu'une hématopoïèse extra médullaire augmentée constatée par échographie splénique en comparaison au modèle JVF/Trp53-/-. A partir de 12 semaines d'induction, nous avons observé dans certains cas l'apparition de cellules immatures sanguines CD71+CD117+ ou CD71+CD150+. Après sacrifices de ces souris, nous retrouvions cette même population anormale au sein de la moelle osseuse et de la rate, avec une morphologie érythroblastique. L'exploration de la maturation érythroïde et mégacaryocytaire des souris leucémiques montrait un blocage d'un ou des 2 lignages. Les souris porteuses de MFS de Trp53 développaient une LAM plus rapidement que les modèles JVF/Trp53-/-. Un modèle de trajectoire utilisant des données de la littérature confirmait que ces LAM sont issues de progéniteur érythroïde. 8 lignées cellulaires ont été développées à partir de tissu splénique de souris leucémiques : 2 lignées JVF/Trp53-/-, 4 JVF/Trp53R172H/- et 2 JVF/Trp53R270H/-. Certaines lignées expriment des marqueurs mégacaryocytaires et principalement érythrocytaires pour d'autres. En explorant le statut mutationnel de JVF, une perte d'hétérozygotie (PdH) de la mutation a été constatée dans 7 lignées sur 8. La PdH impliquait des pertes de JWT et/ou des amplifications de JVF. La PdH était également identifiée sur des cellules primaires spléniques de souris leucémiques et enfin elle n'était retrouvée que dans la population blastique et pas dans la population résiduelle non leucémique. En conclusion, ce travail a permis : 1) De développer 3 modèles murins de leucémogenèse secondaire à la mutation JVF, 2) De montrer que la présence d'une MFS de Trp53 entraine une majoration de l'érythropoïèse et conduit au développement de leucémie plus précoce en comparaison au modèle JVF/Trp53-/-, 3) D'identifier un mécanisme commun de transformation leucémique lié à la PdH de JVF. Ce travail ouvre la voie à deux questions principales : comment les MFS de TP53 majorent la perte d'hétérozygotie de J2VF et quelles voies induisent le blocage de différenciation ? |