Mots clés |
Drépanocytose, Mastocyte, Basophile, Substance P, Immunité innée, Hémoglobine S, Syndrome thoracique aigu |
Resumé |
La drépanocytose est une hémoglobinopathie autosomique récessive sévère, reconnue comme la première maladie monogénique dans le monde avec plus de 300 000 naissances par an. Bien qu'elle soit la conséquence d'une mutation ponctuelle parfaitement caractérisée du gène de bêta-globine, conduisant à la polymérisation de la desoxyhémoglobine S et à la falciformation des hématies, sa physiopathologie complexe impliquant de nombreuses cellules du système immunitaire inné n'est pas encore parfaitement comprise et les options thérapeutiques validées restent limitées. Un rôle des mastocytes a été récemment suggéré par la mise en évidence de signes clinico-biologiques de syndrome d'activation mastocytaire chez un nombre restreint de patients ainsi que par la démonstration de l'implication des mastocytes et de la substance P dans l'inflammation neurogénique de la souris drépanocytaire. L'objectif de ce travail était d'explorer le rôle des mastocytes, des basophiles et de la substance P dans la physiopathologie de la drépanocytose et notamment dans la pathogénie de la crise vaso-occlusive (CVO) et du syndrome thoracique aigu (STA). Nous avons mis en évidence dans une large cohorte enfants-adultes une élévation majeure à l'état basal, et encore d'avantage pendant les CVO/STA, des taux plasmatiques des deux principaux médiateurs des mastocytes et des basophiles que sont l'histamine et la substance P. Les valeurs de substance P étant maximales au cours du STA, nous avons testé l'hypothèse que la substance P pourrait induire le STA. Chez les souris transgéniques drépanocytaires, à la différence des souris contrôles, l'injection intra-veineuse de substance P a été à l'origine de crises létales associées à des lésions pulmonaires histologiques de STA et corrélées à la dose de substance P injectée. Des résultats similaires ont été obtenus avec le MAR-1 (anti-FcεRIα), suggérant un rôle de l'activation/dégranulation des mastocytes/basophiles. L'administration préventive d'un stabilisateur de membrane des mastocytes/basophiles a permis de prévenir la survenue des crises et des lésions histologiques de STA induites par la substance P chez les souris drépanocytaires. Les analyses de cytométrie en flux réalisées dans le sang des patients drépanocytaires ont permis la mise en évidence d'un phénotype activé des basophiles ainsi que d'une augmentation de leur nombre à l'état basal avec diminution pendant les CVO, suggérant leur recrutement hors du compartiment vasculaire. Des résultats similaires ont été observés chez les souris drépanocytaires après injection intra-veineuse de substance P. L'étude immunohistochimique des poumons des souris drépanocytaires a alors révélé la présence d'un grand nombre de mastocytes et de basophiles, avec une possible augmentation de ces derniers pendant le STA. Par ailleurs, des valeurs de substance P extrêmement élevées ont été retrouvées dans les expectorations de patients en STA, reflétant la probable dégranulation des mastocytes/basophiles. Nous avons également mis en évidence une surexpression de différents récepteurs de cytokines/chémokines à la surface des basophiles circulants des patients drépanocytaires, dont le récepteur de la substance P et de la morphine, MRGPRX2, suggérant une activation/dégranulation accrue pendant les crises et un possible rôle délétère de la morphine dans la survenue du STA. D'autre part, les études in vitro portant sur les mécanismes d'activation des mastocytes/basophiles dans la drépanocytose ont permis la mise en évidence d'un rôle de l'hémoglobine S (HbS) via le récepteur TLR4 avec une inhibition de cette activation en présence de l'inhibiteur de TLR4, TAK-242. Ce nouveau mécanisme d'activation cellulaire impliquant l'HbS mais pas l'hémoglobine A (HbA) ni l'hème a pu être validé sur d'autres cellules majeures du système immunitaire inné que sont les monocytes et les macrophages. (...) |