Resumé |
Les nourrissons ont la capacité d'estimer et de comparer des numérosités (i.e., quantités d'objets dans un ensemble), en s'appuyant sur un système non verbal appelé système du nombre approximatif (SNA). Ces capacités numériques non symboliques précoces pourraient servir de base au développement des compétences numériques ultérieures. Cependant, des études récentes ont remis en question l'existence d'une relation directe entre les compétences numériques précoces et les mathématiques plus formelles, en partie à cause de la tâche de comparaison numérique non symbolique utilisée pour mesurer l'acuité du SNA. En effet, lors de la comparaison de numérosités, des dimensions non numériques de grandeur (la taille ou l'espace occupé par les objets) sont perçues. Le traitement de ces dimensions non numériques interfère avec les jugements numériques des participants. La comparaison de numérosités dépend donc, en partie, de la capacité à traiter des informations numériques face à des dimensions de grandeur conflictuelles (capacité d' « attention au nombre »). Récemment, des auteurs ont proposé que l'attention au nombre soit un facteur important du développement numérique. Cependant, son rôle dans l'association entre capacités non symboliques et arithmétique au cours du développement n'est pas clair. L'objectif de cette thèse est de mieux décrire les bases cognitives de l'attention au nombre et la manière dont elle est liée au développement des capacités numériques. Dans le chapitre 1, nous avons examiné les mécanismes cognitifs sous-jacents de l'attention au nombre en utilisant l'électroencéphalographie (EEG). Nous avons constaté que le traitement des conflits entre informations numériques pertinentes et informations de taille non pertinentes dans le contexte d'une tâche de Stroop numérique symbolique fait appel à la fois au contrôle inhibiteur et aux processus d'attention sélective. Nous avons ensuite étudié le rôle des tendances de focus spontané sur les grandeurs (SFOM) dans la relation entre les capacités numériques non symboliques et l'arithmétique chez l'adulte (chapitre 2). Dans une première étude, nous avons constaté que l'association positive entre les capacités numériques non symboliques et l'arithmétique n'est présente que chez les adultes ayant une plus grande tendance de focus spontané sur la grandeur numérique, ce qui suggère que les tendances de focus spontané sur les grandeurs pourraient refléter des différences interindividuelles de stratégies en arithmétique. Nous n'avons cependant pas reproduit ces résultats dans deux études ultérieures. Durant les premières années d'école (chapitre 3), nous avons observé que les tendances de SFOM étaient un prédicteur significatif des capacités arithmétiques en CP, mais pas en école maternelle. Cependant, l'acuité du SNA et les capacités de contrôle inhibiteur restent des prédicteurs distincts plus forts de l'arithmétique. En ce qui concerne le développement du SFOM, nous avons observé une augmentation significative de la tendance de focus spontané sur le nombre entre la maternelle et le CP, ce qui suggère que l'éducation formelle stimule la tendance des enfants à prêter attention spontanément à la grandeur numérique. Enfin (chapitre 4), nous décrivons une première tentative d'examen du rôle causal des tendances de SFOM sur la capacité à gérer l'interférence entre dimensions numériques et non numériques de grandeur. Les items d'amorçage visant à guider les tendances de SFOM dans le contexte d'une tâche classique de comparaison non symbolique n'ont pas eu d'impact sur les effets de congruence nombre/taille. D'autres études sont nécessaires pour explorer les moyens de guider les tendances de SFOM chez une population plus jeune. Nous discutons des implications théoriques de ces résultats concernant les mécanismes sous-jacents du développement numérique, ainsi que des implications potentielles pour l'enseignement de l'arithmétique. |