Altruisme, Comportement prosocial, Développement cognitif, Cognition sociale, Neuropsychologie, Apprentissage socio-émotionnel

Les comportements altruistes renvoient à des actions prosociales qui bénéficient à autrui, sans attente d'une récompense voire avec un coût personnel. Ils sont associés à une meilleure réussite scolaire et insertion sociale chez l'enfant et l'adolescent, prédisant également le degré d'engagement civique qui s'ensuit. Malgré ces bienfaits individuels et sociétaux, les processus cognitifs qui sous-tendent les intentions et comportements altruistes restent peu investigués. Pourtant, d'après le modèle du traitement de l'information sociale, il est essentiel de comprendre comment des processus cognitifs tels que l'analyse visuelle, l'attention, le contrôle inhibiteur, et la théorie de l'esprit participent dans leur ensemble à l'intention d'agir de manière altruiste, et à l'action prosociale elle-même. L'objectif de cette thèse est de mesurer leur contribution relative à l'intention et à l'action altruiste, et d'évaluer leur place dans l'efficacité d'un programme d'entraînement à l'altruisme. Dans un premier temps, les travaux de cette thèse ont permis de décrire les comportements prosociaux en contexte de crise, soulignant l'intérêt d'un prisme développemental. Ensuite, une approche méthodologique a été menée par la traduction et la validation d'une échelle d'altruisme de l'enfant en français aux propriétés psychométriques robustes. Cet auto-questionnaire et un paradigme de théorie des jeux ont été utilisés dans la mesure de l'intention et l'action altruiste par la suite. Une batterie de tâches expérimentales, neuropsychologiques, et d'échelles a permis d'évaluer les compétences d'analyse visuelle, d'attention sélective, de contrôle inhibiteur, de théorie de l'esprit et d'empathie auprès d'un échantillon de 67 enfants français de CE2, CM1 et CM2 testés en laboratoire. Une analyse bayésienne pré-enregistrée a montré que dans la plus jeune classe, les compétences d'analyse visuelle et d'analyse sélective prédisent l'intention altruiste et que le contrôle inhibiteur prédit l'action altruiste, alors qu'un niveau plus élevé de théorie de l'esprit prédit un comportement altruiste moindre. Dans les classes plus âgées, un niveau plus élevé de compétences attentionnelles et d'inhibition prédisent un niveau plus faible d'intention et d'action altruiste. Ces compétences semblent soutenir auprès d'enfants plus âgés un raisonnement social complexe qui nuancerait le comportement altruiste, se rapprochant du niveau observé auprès d'adolescents et d'adultes. Ces résultats confirment l'intérêt d'un modèle cognitif développemental intégrant une diversité de compétences pour caractériser finement l'intention et le comportement altruiste. La dernière étape expérimentale de ce travail a mesuré l'effet d'un programme d'entraînement à l'altruisme, et la contribution à cet effet du profil cognitif initial. Un échantillon de 62 enfants français du CE2 au CM2 a complété deux évaluations cognitives et d'altruisme, espacées de huit semaines lors desquelles 20 participants ont pris part à un programme d'information à l'altruisme, et 21 participants à un programme d'information et d'entraînement à l'altruisme sur support informatisé et individuel. Une analyse bayésienne n'a pas montré d'effet des programmes sur l'intention, le comportement altruiste, ou encore sur les différentes compétences cognitives évaluées. En revanche, le profil cognitif initial prédit l'effet des programmes, agissant comme un ensemble de prérequis à leur efficacité. Les résultats de cette thèse contribuent à mieux caractériser l'apport des compétences d'analyse visuelle, d'attention, d'inhibition, de théorie de l'esprit et d'empathie dans l'intention et dans le comportement altruiste chez l'enfant. Ces résultats permettent aussi de souligner l'importance de prendre en compte le niveau de développement cognitif des élèves avant d'implémenter un programme d'encouragement prosocial pour que ces initiatives puissent bénéficier au plus grand nombre.