La vie sans les vivants ? : régimes de précarité et relations aux vivants dans la modernisation agricole et les agroécologies radicales en France, des années 1960 à aujourd'hui
Life without the living? : precarity regimes and relations to the living in agricultural modernization and radical agroecologies in France, from the 1960s to the present day
par Aurélien Gabriel COHEN sous la direction de Denis CHARTIER et de Virginie MARIS
Thèse de doctorat en Géographie et aménagement
ED 624 Sciences des Societes

Soutenue le vendredi 17 novembre 2023 à Université Paris Cité

Sujets
  • Agriculture industrialisée
  • Agronomes
  • Autogestion
  • Écologie agricole
  • Écologie humaine
  • Entrepreneurs
  • France
  • Vitalisme
  • 1945-....
Un embargo est demandé par le doctorant jusqu'au 17 novembre 2027
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Mots clés
Modernisation agricole, Agroécologie, Vitalisme, Néolibéralisme, Bergson, Agronomie, Sécurité sociale, Marché, Entrepreneur, Précarité
Resumé
En partant d'une redescription des relations de l'agriculture à la précarité, entendue comme un sentiment complexe à la croisée des expériences de l'instabilité ontologique, de l'incertitude épistémique et de l'insécurité sociale, l'objet de cette recherche est d'abord de saisir le rôle d'une certaine rationalité modernisatrice dans le processus de transformation de l'agriculture française au tournant des années 1960-1970 : ce que nous nommons le vitalisme entrepreneurial. Cette formule désigne une réforme de la légitimation de la société de marché qui repose non plus sur sa naturalisation, comme dans le libéralisme classique analysé par Polanyi, mais sur une vitalisation évolutionniste des logiques de marché et de concurrence. Une bascule depuis l'ordre de la nature vers le désordre de la vie, où l'intensité vitale se confond avec le risque économique, et qui trouve l'un de ses fondements philosophiques en France dans l'évolutionnisme moraliste et modernisateur de Bergson. En agriculture, ce vitalisme constitue un levier puissant pour déplacer la précarité légitime depuis les relations aux vivants vers les relations commerciales, défaisant le paysan pour instituer l'agri-entrepreneur. En examinant le rôle discret, mais structurant, de ce vitalisme entrepreneurial, influencé par la pensée néolibérale, dans les politiques agricoles françaises et leurs légitimations théoriques et politiques, nous cherchons à montrer l'importance croissante de la double figure de l'ingénieur (agronome) et de l'entrepreneur (agricole) dans ce processus. Le premier comme agent du surcontrôle agrotechnique des dynamiques du vivant, le second comme nouvelle norme du travail agricole, pris dans un rapport constant aux instabilités des processus marchands. Nous essayons ainsi de caractériser la modernisation agricole comme un renversement de la précarité légitime, depuis la relation labile et variable aux vivants qui caractérise les pratiques paysannes, vers la relation aux marchés qui structure et détermine l'agro-industrie modernisée. Ce travail historique nous permet de mieux comprendre ensuite, à partir d'enquêtes de terrain, la manière dont des pratiques agroécologiques contemporaines radicales cherchent à refaire de la place aux instabilités des vivants, en imaginant des pratiques, des techniques et des relations non dualistes. Pour autant, en mettant davantage l'accent sur des dispositifs techniques sans dessiner une logique proprement politique permettant leur généralisation, nous soutenons que ces pratiques agroécologiques, tout en demeurant structurellement marginales, ne parviennent pas à se libérer réellement du régime de précarité issu de la modernisation et du cadre entrepreneurial dominant, qui continuent de leur imposer la logique du marché comme réalité supérieure. Le dernier enjeu de ce travail est donc d'esquisser les conditions sociales et politiques d'une bascule de la précarité légitime depuis les aléas du marché vers les instabilités du vivant, permettant la constitution d'un front agroécologique pensé et vécu comme un véritable mouvement social. Dans cette perspective, nous nous efforçons d'ébaucher en conclusion une réflexion philosophique opposant deux logiques institutionnelles, l'arche et la forteresse, afin de penser plus précisément l'articulation d'une condition terrestre et d'un devenir politique à la fois destituant et instituant. Ainsi, il s'agit notamment d'envisager la multiplication concrète des dispositifs d'érosion, au sens d'Erik Ollin Wright, du capitalisme agricole modernisateur, en nous inspirant plus particulièrement des logiques autogestionnaires de mise en sécurité sociale, visant à la fois la conquête d'une souveraineté politique sur l'attribution de la valeur, la délibération démocratique sur les stases légitimes, ainsi que la réappropriation collective des moyens d'expérimentation, pour inventer des pratiques agricoles relationnelles, émancipatrices et durables avec les autres qu'humains.