Mots clés |
Michaux (Henri), Zürn (Unica), Corps, Anagrammes, Poésie, XXe siècle, Littérature française, Intermédialité, Texte et image |
Resumé |
Le poète et peintre Henri Michaux (1899-1984) et la poétesse et peintre allemande Unica Zürn (1916-1970) se croisent à la fin des années 1950 à Paris ; liés en amitié, les oeuvres, quant à elles, se frôlent, peut-être involontairement, presque invisiblement, sur des noeuds thématiques et conceptuels communs : le premier étant l'alliance indéfectible entre le corps et l'écriture. Unica Zürn arrive à Paris en 1953 avec Hans Bellmer où elle rencontre les principaux représentants du surréalisme français. En dépit de sa production et de la place que lui accordent ces années, son oeuvre est marquée par des préjugés qui voient son art comme un produit mineur, né de la proximité de Bellmer et influencé par les troubles psychotiques dont l'écrivaine souffrait. S'appuyant sur les outils de la critique littéraire, philosophique et artistique, se détachant volontairement d'une approche psychanalytique, ce travail a une triple intention qui se développera, en particulier, autour de la notion du corps dans son articulation au sein des espaces littéraire et artistique. Premièrement, celle de retracer le parcours artistique et littéraire d'Henri Michaux à travers le prisme thématique du corps ; deuxièmement, réhabiliter la personnalité littéraire et artistique d'Unica Zürn en reprenant d'emblée une analyse attentive de ses textes et images, en s'attardant notamment sur sa production anagrammatique. Enfin, le troisième objectif se propose, suivant une démarche plus comparative, d'interroger deux parcours littéraires et artistiques apparemment très éloignés et difficiles à rapprocher. Toutefois, s'il existe des différences substantielles qu'il serait vain d'occulter, l'analyse des textes et des productions plastiques des auteurs respectifs révèle des convergences conceptuelles et pratiques dans la manière d'aborder le thème du corps et d'envisager le processus de création. D'une part, Henri Michaux, avec sa défense du désapprentissage et sa curiosité pour tout ce qui, invisible et silencieux, dans le langage et dans le corps, se meut et vit sous forme de résistance et excès à la rationalité systématisante, s'intéresse à ce qui remonte à l'antériorité de l'être : aux pré-corps archaïques et au pré-langage, espaces où les formes non encore figées sont suspendues dans le devenir. De l'autre Unica Zürn, par son travail et sa pensée véritablement anagrammatiques, vise à déconstruire l'idée d'appartenance linguistique et à dissoudre les notions verrouillées d'identité et de différence sexuelle ; et à tenter de saisir ce moment ''avant tout commencement'' au sein de ce microcosme indifférencié où l'être est encore en puissance. Les deux auteurs partagent le même désir d'appréhender et d'exposer l'état germinal de la pensée et du corps en évitant de succomber à un informe mortifère ou, à l'opposé, à une crispation narcissique. Il s'agira pour eux de restituer le geste, l'élan, par un traitement de l'écriture et du dessin spécifique à chacun, visant à la création d'une oeuvre en statu formandi ou nascendi. Questions alors de choix stylistiques, d'interrogations réfléchies qu'investissent à la fois la pratique littéraire et artistique. Déstabilisant la figure et la position d'un sujet normé, Michaux et Zürn sont sensibles aux différentes manifestations et propositions de vie et, s'exposant aux altérités, s'individuent provisoirement à différentes façons d'être et devenir corps. Les questions au fondement de notre réflexion tenteront d'expliquer et d'analyser les styles, les formes et les concepts adoptés par les deux auteurs pour saisir, exposer et préserver à même la page les multiples façons de naître et renaître au(x) corps, autant de propositions autres de le penser, de l'écrire et de le peindre. |