Mots clés |
Remplacement trachéal, Ingénierie tissulaire, Décellularisation partielle, Modèle animal, Biomécanique trachéale, Matrice extracellulaire, Grade clinique, Biointégration, Vascularisation, Réponse immunitaire |
Resumé |
La mise au point d'un substitut trachéal permettant des remplacements circonférentiels étendus de la trachée reste un des plus grands défis de la chirurgie des voies aériennes. Chez l'enfant, plusieurs pathologies trachéales congénitales non tumorales en échec de traitement pourraient bénéficier d'un remplacement trachéal circonférentiel étendu. Il n'y a pas de consensus clinique sur la stratégie à adopter entre les différents substituts proposés : allotransplantation, allogreffe aortique, reconstruction chirurgicale par lambeau libre, trachée décellularisée. La décellularisation trachéale est une technique d'ingénierie tissulaire qui élimine les cellules pour obtenir une matrice biocompatible et faiblement immunogène, en préservant les propriétés biochimiques et biomécaniques de la matrice extracellulaire. La notion spécifique à la trachée de compartiments d'antigénicité distincts, différenciant le pouvoir antigénique du cartilage de celui de la muqueuse, a permis l'émergence du concept de décellularisation partielle, qui permet de conserver au mieux ces propriétés biomécaniques. Nous avons développé un processus de fabrication de matrice trachéale partiellement décellularisée (MTD) à partir d'une trachée porcine. Cette étude a été menée dans l'esprit d'une recherche translationnelle : nous avons utilisé des produits de grade clinique pour le protocole de décellularisation et nous avons utilisé un modèle porcin, pour des raisons de similitudes anatomiques et immunologiques avec l'homme. La caractérisation de la MTD obtenue a démontré qu'elle est conforme aux principes de la décellularisation : en histologie et en microscopie électronique à balayage (MEB), la MTD ne contient plus de cellules dans la muqueuse et dans la sous-muqueuse ; le dosage de l'ADN résiduel de la muqueuse trachéale est inférieur à 50ng/mg ; il n'y a plus de fragments d'ADN de plus de 200 paires de bases. A la fin du protocole de décellularisation, qui inclut une phase de détoxification, la MTD ne relargue aucun agent cytotoxique. In vitro, nous avons montré que des cellules épithéliales peuvent proliférer sur la MTD. Ces résultats démontrent l'efficacité de la décellularisation et l'absence de cytotoxicité résiduelle. De plus, toutes les MTD n'étaient stériles, dès le traitement par des antibiotiques/antimycotique, après décellularisation et cryopréservation. Nous avons développé un test objectif de caractérisation biomécanique associant imagerie par tomodensitométrie concomitamment à l'application de contraintes mécaniques par variations physiologiques cycliques de pression. Les caractéristiques des MTD sont similaires à celles de trachées natives. Nous avons évalué la biocompatibilité de ces MTD in vivo dans un modèle porcin durant la phase d'implantation musculaire, qui est la première phase du remplacement trachéal. Cette étape préliminaire a pour objectif la néovascularisation et la colonisation cellulaire. Les MTD n'ont pas entrainé de réaction inflammatoire systémique. Les études histologiques ont permis de montrer qu'elles sont colonisées par de nombreux myofibroblastes, et que la sous-muqueuse est le siège d'une néovascularisation intense. Aucun infiltrat lymphocytaire, ni de nécrose musculaire n'a été observé 28 jours après l'implantation de la MTD. Macroscopiquement, la biomécanique des trachées apparait préservée. En conclusion, nos résultats montrent que les MTD sont biocompatibles in vivo, et qu'elles n'entrainent pas de rejet de greffe. Ces études de la qualité et de la conformité des MTD après un processus d'ingénierie tissulaire représentent des étapes décisives en vue d'une application chez l'homme. |