Mots clés |
Métis, Identité, Subjectivité, Colonialité, Race, Racisme, Démenti, Épistémologies mineures, Intersectionnalité, Poétique |
Resumé |
Notre travail de recherche entend considérer le métis postcolonial comme paradigme heuristique de la subjectivité contemporaine. Pour amorcer notre réflexion, c'est d'abord l'édification du métis comme construction historico-politique, ancrée dans l'histoire coloniale française et imbriquée dans le concept moderne de race qu'il s'agit de replacer dans sa généalogie. Se dévoile alors la manière dont ledit « problème métis » a captivé l'attention des pouvoirs politiques français, et ce, jusqu'au terme des mouvements de décolonisation. La difficulté à réduire les sujets dits métis en une identité catégorisable a entrainé de multiples remaniements politiques visant à légiférer et à reclasser les enfants issus de l'union entre colons et colonisées. Différents dispositifs se sont dès lors succédé dans l'ensemble des territoires coloniaux français, à une exception près: l'Algérie française. La disparition apparente des métis franco-algériens au sein du dit « problème métis » interroge d'autant plus qu'il semble relever d'une forme spécifique d'instrumentalisation se réactualisant aujourd'hui au travers des discours politiques contemporains qui éludent non seulement tout recours à la notion de métissage, mais également à celle de race. Si cette dernière fait l'objet d'une polarisation très forte quant à son usage, tant dans les milieux politiques qu'académiques, de nombreux débats, portant sur la pertinence de la race comme outil d'analyse critique, créent néanmoins les conditions d'un renouveau académique aussi précieux que nécessaire. La psychanalyse contemporaine n'a d'autre choix que de s'intéresser aux problématiques soulevées par ces questions, tant sur le plan pratique, qu'éthique ou épistémologique. Dans cette optique, la seconde partie de notre travail donne voix aux paroles singulières des sujets identifiés comme métis franco-algériens. Au travers de leurs expériences minoritaires, ces femmes et hommes témoignent des effets contemporains de l'héritage colonial sur la constitution des subjectivités. Les problématiques rencontrées résonnent bruyamment avec des processus d'altérisation profondément enracinés dans l'histoire coloniale française, qui émergent à l'intersection des catégories de genre, de sexualité et de race. Entre violences de genre, assignations multiples et conflit de loyauté, se dévoilent non seulement les effets de passivation produits par l'intériorisation d'un discours dominant héritier du discours colonial, mais aussi les pratiques de soi mises en œuvre par les sujets dits métis pour accéder à un mouvement de subjectivation politique. Ce matériel clinique soulève également la nécessité d'opérer des réaménagements au sein de la pratique et de la théorie analytique contemporaine, réaménagements qui doivent s'inscrire dans une réflexivité critique, indispensable à la psychanalyse si elle veut maintenir son rôle dans l'émancipation des sujets minorisés. Une nécessaire réinvention de la psychanalyse, ne peut, selon nous, faire l'économie d'un dialogue avec les épistémologies émergentes que constituent, la pensée décoloniale et la théorie queer of Color, qui permettent de penser la constitution d'un cadre analytique qui ne reconduirait pas les rapports sociaux de domination. Si les subjectivités ne peuvent véritablement s'émanciper des assignations qui viennent les figer en une identité qu'à la condition d'accéder à un sentiment d'unité dans la multiplicité qui est la leur, il s'agit pour nous de considérer le travail au sein de la cure comme poétique du sujet, à même de favoriser l'émergence d'une subjectivité métisse majuscule. Cette subjectivité Métisse se conçoit comme potentialité créative, au sens d'une capacité de mouvement subjectif affranchie des assignations identitaires, c'est-à-dire en mesure de s'autoriser à inventer et à reconnaître de nouvelles manières d'être. |