Resumé |
De nouveaux rapports École/familles se dessinent depuis les années 1980 (Montandon, Perrenoud, 1994). Au travers d'une rhétorique sur le « partenariat » (Périer, 2007), l'institution enjoint les parents à franchir ses portes et à investir plus fortement leur rôle de parents d'élèves. Ces demandes peuvent être lues comme une volonté de partager, avec les parents, une partie des missions de l'école (Duru-Bellat, Van Zanten, 2012). Parmi les missions que l'école entend gérer conjointement avec les parents se trouve en particulier la gestion des soucis d'indiscipline à l'origine d'un climat d'insécurité dans un certain nombre d'établissements (Debarbieux, 2004). Face à cette situation, la réponse institutionnelle se fait, depuis les années 1990, notamment sur le versant répressif en multipliant le nombre des sanctions distribuées (Prairat, 2003, p.52). Ainsi, lorsque l'élève commet un « manquement grave » (souvent à l'appréciation des personnels encadrants) tel que défini par le règlement scolaire, il peut être convoqué, avec ses parents, devant une instance disciplinaire (commission éducative ou conseil de discipline). En d'autres termes, l'institution scolaire traite les faits d'indiscipline les plus sérieux en impliquant aussi les parents de l'enfant accusé sur la base de leur responsabilité parentale, au sens juridique et moral du terme. Combinant une sociologie critique et une sociologie de l'individu, le propos de cette thèse consistera à retracer l'expérience parentale relative à un épisode disciplinaire au collège. Il s'agira d'expliquer à la fois l'expérience commune malgré des appartenances socio-culturelles diverses et les spécificités de chaque parcours parental en considérant le genre des parents, leur appartenance de classe, leurs origines mais également leur schéma familial, leurs pratiques éducatives ainsi que l'attitude spécifique de leur(s) enfant(s). A partir d'une enquête qualitative menée principalement dans le département de Seine-Saint-Denis et dans des quartiers socialement défavorisés de Paris, la thèse proposera d'étudier les relations écoles/familles au prismes des instances disciplinaires. Au travers d'entretiens avec parents et acteurs scolaires et d'observations de conseil de discipline, il s'agira, tout d'abord, d'analyser les rapports que ces parents entretiennent avec l'institution et ses acteurs. Dans un deuxième temps, la scène spécifique de l'instance disciplinaire sera observée. De par sa forme, l'instance disciplinaire place l'élève et ses parents sur le « banc des accusés ». En d'autres termes, le conseil de discipline fait vivre à l'élève, souvent « déjà coupable et condamné » (Merle, 2012) par avance, ainsi qu'à ses parents, un face-à-face aux allures de « tribunal ». En reprenant le parallèle avec le domaine judiciaire, nous en soulignerons les rapprochements, les écarts et les raisons d'être de ce « tribunal scolaire ». Se trouvant confrontés à la justice scolaire, les parents convoqués racontent le jugement des acteurs scolaires à leur égard, le sentiment d'impuissance face à l'institution, ou encore les injonctions à consulter des spécialistes. La dernière partie de la thèse permettra de sortir de l'institution pour comprendre comment l'épisode disciplinaire est vécu par l'individu. C'est tout d'abord dans la sphère privée que l'épisode est ramené ; les relations avec l'enfant ou encore le conjoint peuvent en être ébranlées ou renforcées. Nous étudierons également les relations sociales et professionnelles de ces parents en vue de déterminer si l'épisode disciplinaire affecte d'autres sphères. Autrement dit, nous interrogerons le lien entre exclusion scolaire et exclusion parentale. En dernier lieu, la thèse donnera à voir la façon dont l'épisode disciplinaire affecte le rôle de parent ou encore l'image de soi des parents. |