Traumatisme, Subjectivation, Armée, Légion Etrangère, Névrose traumatique

Cette thèse s'attache à rendre compte d'un aspect particulier de l'expérience traumatique envisagé à partir de la pratique clinique auprès des hommes engagés dans la Légion étrangère, par le biais d'un adossement à une perspective psychopathologique enrichie par une anthropologie du sujet dans son milieu. C'est à partir du statut singulier de psychologue au sein des armées et de la casuistique qui en découle qu'il nous a semblé opportun de faire naître un travail d'élaboration prenant en compte les spécificités transférentielles déduites de la pratique en milieu militaire. Les sujets qui nous ont inspiré ce travail se trouvent porteurs d'entames subjectives considérables déduites des rencontres traumatiques qui ont scandé leur trajectoire ; ils ont donc à reconsidérer un certain nombre de coordonnées de leur existence après avoir survécu à une menace vitale, sans signification, qui s'offre difficilement à l'interprétation. Partant du constat que la clinique est marquée par un retour incessant sur le déclenchement et que la parole à elle seule n'est pas symboligène, nous proposons dans le présent travail un point de vue animé par le vœu d'aller plus loin que les effets désorganisateurs du trauma pour en dégager des modalités de stabilisation fécondes, illustrées élégamment, d'où l'emploi d'une métaphore mathématique, dans le sens où les sujets rencontrés démontrent des habiletés parfois remarquablement créatives dans leur traversée des troubles, se présentant comme résolument porteurs d'un désir qui pouvait se trouver masqué par la soumission au lien social ayant cours au sein de l'armée. Parfois à l'inverse, les effets de l'aliénation à l'institution ne permettent pas une relance et le sujet court le risque de se découdre, se trouvant réduit à la frappe de cette rencontre désubjectivante que constitue le traumatisme psychique. Les points saillants de cette recherche s'incarnent dans un abord qui ne saurait se résoudre à une considération purement diagnostique, laquelle permet simplement de démontrer avec trop d'évidence le lien entre un événement et les troubles rencontrés, et dans l'effort de mettre en exergue ce qu'occulte le « syndrome post traumatique », de l'histoire et de la structure d'un sujet. Cette démonstration est possible par le biais d'un examen des conditions d'une approche qui s'affronterait au caractère hégémonique de l'expérience traumatique, laquelle constitue un obstacle à une primauté du sujet chez les cliniciens du trauma en général, et chez ceux qui exercent au sein de l'armée en particulier. Dans un premier chapitre, nous avons déplié une revue de la pratique de la psychiatrie militaire afin de dévoiler les éléments doctrinaux de celle-ci, ce qui permet notamment de souligner la richesse des apports théoriques de la discipline. Dans un second chapitre, nous avons proposé une revue historique de la névrose traumatique ayant pour fin de questionner son actualité théorique et la façon dont un clinicien peut s'en orienter. Le troisième chapitre permet de planter le décor offert par la Légion étrangère et de serrer au plus près certaines coordonnées de la position subjective des individus qui évoluent en son sein, en temps de guerre comme en temps de paix, avec l'idée que la posture guerrière donne lieu à un certain ordre du rapport à la vie. Nous avons pris le pari que le plurilinguisme permet de soutenir un travail analytique juste même si cette composante n'est pas sans effets tant sur l'énonciation du sujet que sur l'écoute du clinicien. Le quatrième chapitre a pour ambition de rendre toute sa consistance aux trajectoires insolites de ces hommes, par le biais de l'écriture de cas cliniques, portés par la position éthique de s'appuyer sur ce qui a été réellement proféré.