Mots clés |
Pornographie, Féminin, Regard, Idéal, Sexualité, Réel, Dispositif |
Resumé |
Tandis que la pornographie est une pratique répandue et qu'elle induit des discours moraux et politiques, celle-ci n'est encore que peu prise pour objet d'étude en France là où les Porn Studies se multiplient aux États-Unis depuis près de quinze ans. Que dire alors de la pornographie à partir de la psychanalyse ? La tâche n'est pas aisée puisqu'il s'agit d'éviter toute moralisation soit ni de la défendre ni de la condamner mais bel et bien de l'analyser dans sa complexité afin d'en comprendre la logique et la fonction aux titres individuel et collectif. En effet, nous faisons l'hypothèse que la fonction singulière de la pornographie n'est pas sans accointance avec l'opération de la culture à son endroit. Dans cet objectif, nous nous sommes particulièrement intéressés à la pratique des femmes, soit celle des actrices. En effet, il apparaît que si la pratique « féminine » préoccupe le champ social en tant qu'elles en seraient des « victimes », force est de constater que celles-ci témoignent de réalités complexes. Afin de cerner au mieux les enjeux psychiques de la pornographie et sans nier d'autres réalités, nous nous sommes axés sur la pratique librement consentie afin de restituer ici la dimension du choix et du désir. Cet axe représente alors une voie « royale » à la compréhension des enjeux sociétaux à propos de la question de la féminité, aujourd'hui mise en tension par les débats autour du genre notamment dans le champ analytique. Notre méthodologie s'est dès lors établie à partir d'une perspective structuraliste et fonctionnaliste qui n'omet pas ce qui lui échappe, située dans l'épistémologie psychanalytique. Nous avons analysé le témoignage écrit de Céline Tran, anciennement actrice, avec qui nous avons réalisé un entretien de recherche semi directif et ainsi élaboré deux cas dits « analytiques ». Dans un premier temps, il s'est agi de déconstruire philosophiquement l'objet « pornographie » afin de le situer dans un discours et ainsi nous interroger sur la possibilité de la définir et de la délimiter. Il nous est apparu que toute définition essentialiste était davantage normative que descriptive. Il s'est ensuite agi de nous interroger sur les problèmes que posait l'usage du terme « féminin » aujourd'hui et dans le champ psychanalytique. Nous avons mis en évidence que, plutôt que de cerner une spécificité de la pratique pornographique « au féminin », nous pouvions considérer la pornographie comme une mise en scène symptomatique des sexualités et de la comédie des genres. Troisièmement, nous avons traversé l'axe du regard et du corps. En effet, que voit-on, montre-t-on dans la scène porno ? Qu'est-ce qu'un corps pornographique ? Il semblerait alors que la pornographie mette en scène un corps du côté de l'idéal dont tout défaut est voilé par le « nu maquillé », indiquant ici un évitement de la castration. Pour finir, nous avons montré que cette comédie du corps et de l'entente sexuelle jouait un rôle de dispositif au sein du champ social. La pornographie comme dispositif tente de faire croire au rapport mais le rate par une sur exposition qui, finalement, rend « aveugle ». Le dispositif pornographique est ainsi révélateur du malaise contemporain en tant que le capitalisme et le néolibéralisme le modèle. Les témoignages de Céline Tran ont mis en lumière le nouage de la fonction individuelle et de la fonction sociale de la pornographie à cet endroit. La logique pornographie s'articule alors, dans ce cas, à une problématique hystérique où deux questions centrales s'entrechoquent : celle de l'être femme et celle de l'être « objet du désir de l'Autre ». Les champs de la reconnaissance et de la honte s'y déploient alors et la pornographie se pose davantage comme scène de maitrise moïque que de sexualité. Elle tente ainsi de contractualiser ce qui, du réel, échappe au sujet dans son rapport au sexe, à la jouissance, à l'identité, à l'Autre et au désir. |