Resumé |
La LMMJ est un syndrome myéloprolifératif rare et sévère du jeune enfant, dont le seul traitement curatif connu est l'allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Le risque de rechute post greffe reste cependant élevé (25 à 50%) et constitue la principale cause de décès. La présentation et l'évolution de la LMMJ sont particulièrement hétérogènes avec des cas de rémission spontanée. Les études génomiques ont permis d'importants progrès dans la compréhension de cette maladie dont on sait maintenant qu'elle est initiée par des mutations activant la voie de signalisation RAS au niveau de la cellule souche hématopoïétique. Ces mutations peuvent toucher les gènes RAS (NRAS, KRAS) ou des régulateurs de cette voie (CBL, NF1, PTPN11). Malgré ces progrès sur la compréhension de la génétique des LMMJ certains aspects restent inconnus. En effet chez environ 10% des patients, aucune mutation initiatrice n'est identifiée. D'autre part, il n'existe pas d'étude consacrée aux rechutes de LMMJ. Dans la première partie de notre travail, le séquençage de l'exome de deux cas non apparentés de LMMJ familiale et l'analyse de la cohorte française de LMMJ nous ont permis d'identifier 11 patients porteurs de variants perte de fonction de SH2B3, codant pour LNK, un régulateur négatif de la voie JAK-STAT. Huit de ces 11 patients présentaient des variants pathogènes germinaux bi-allélique de SH2B3 associée à une LMMJ néonatale spontanément résolutive. Nous avons ainsi caractérisé un nouveau syndrome prédisposant à une LMMJ néonatale spontanément résolutive, et représentant environ la moitié des cas de LMMJ sans génétique connue. Aucune mutation additionnelle n'a été identifiée chez ces patients suggérant qu'une activation de la voie JAK/STAT seule peut initier une LMMJ en période néonatale. La deuxième partie de ce travail a été consacrée à l'étude des rechutes de LMMJ. Le séquençage d'exome et/ou génome entier de 17 LMMJ à la rechute nous as permis d'établir le paysage mutationnel des rechutes de LMMJ, qui s'est révélé très différent de celui du diagnostic. Alors que les mutations du diagnostic sont peu nombreuses et convergent sur un petit nombre de voies biologiques, leur nombre à la rechute était significativement plus élevé, touchant des gènes très variés sans lien fonctionnel apparent. Parmi les mutations acquises à la rechute peu de récurrences ont été identifiées. Seuls les gènes TP53 et IKZF1, fréquemment altérés lors de la progression de syndromes myéloprolifératifs, étaient mutés chez plusieurs patients, ainsi que le gène MEGF11 de fonction peu connue. L'étude de l'architecture clonale permise par la mise au point d'une technique de PCR multiplex en gouttelette a montré 2 types de structure clonale au diagnostic et à la rechute (branchée, avec certains cas d'évolution parallèle, ou linéaire). Nous avons ensuite cherché à déterminer si la composition clonale au diagnostic et son évolution pré greffe était liée au risque de rechute. Sur 61 patients avec suivi pré greffe une proportion plus importante de patients ayant rechuté avaient acquis ou sélectionné une mutation lors de l'évolution pré greffe. Au total, on observe donc une différence importante entre diagnostic et rechute de LMMJ. Bien que la présence d'anomalies additionnelles ait été reliée à un mauvais pronostic, celles-ci ne sont pas nécessairement sélectionnées à la rechute. L'émergence de nouvelles mutations pourraient résulter en partie d'un processus de sélection passive suite à l'étape de forte contraction/expansion de la population de cellules leucémiques au moment de la greffe. Cette évolution présente d'ailleurs des similarités avec celle rapportée dans d'autres hémopathies myéloides. De façon intéressant, la mutation initiatrice de la voie RAS est la seule anomalie génétique qui soit systématiquement maintenue à la rechute soulignant son caractère central dans la physiopathologie de la LMMJ et en faisant une cible thérapeutique privilégiée. |