Mots clés |
Cinéma, Empathie, Jeux vidéo, Point de vue, Gameplay, Vue TPS, Vue subjective, Télépathie, Einfühlung, Accordage affectif |
Resumé |
Cette thèse propose d'aborder les possibilités empathiques du cinéma contemporain en étudiant les modalités du point de vue qui permettent au spectateur de se mettre à la place du personnage pour le comprendre. L'analyse de trois films sur la télépathie permet d'en faire un phénomène modélisateur pour envisager les conditions d'une transmission par l'image des pensées et des émotions du personnage qui s'apparente à un partage du regard. Certes, le plan subjectif permet au spectateur de voir à l'écran la vision d'un autre qui lui apparait comme sienne. Toutefois, cette superposition des regards réfère à une conception fusionnelle de l'empathie, fondée dans les théories des historiens de l'art du XIXe siècle et le concept d'Einfühlung. Or, les recherches récentes menées en neuropsychologie et en psychologie du développement insistent sur la nécessité de l'écart entre soi et autrui. Cette conception de l'empathie est modélisée dans le cinéma contemporain à travers le travelling d'accompagnement qui invite le spectateur à occuper la position d'un accompagnateur du personnage. Afin de saisir les possibilités empathiques de ce point de vue, nous le relions à une forme vidéoludique qui émerge également à la fin du XXe siècle : la vue TPS (third-person shooter). Les jeux vidéo réactivent la notion classique d'empathie en associant la perspective visuelle à une perspective interactive qui module, modélise et médiatise l'expérience de l'avatar. Si nos analyses retiennent des approches centrées sur le play l'importance de la distance dans l'activité ludique, elle privilégie l'étude des propriétés du jeu en tant que dispositif formel afin de saisir ces bascules d'engagement. La dualité de l'avatar - médiateur des actions du joueur et personnage autonome -, la modélisation de ses expériences motrices et psychiques à travers le gameplay et son existence à l'intersection de la fiction et de la réalité constituent trois manières pour permettre au joueur d'entrer en empathie avec une vie affective. Or, cet enjeu travaille également le cinéma contemporain qui expérimente des interactions spectateur-personnage à travers des moyens comparables. La nouvelle alliance ciné-vidéoludique, qui émerge au XXIe siècle, témoigne du développement des jeux vidéo en tant que forme d'expression autonome et d'une maturation de ses relations avec le cinéma que cette thèse propose d'approfondir. Il s'agit de réserver aux jeux vidéo le rôle d'embrayeur théorique en mettant à contribution les « game studies » et les « media studies » afin de redéfinir la place de celui qui regarde aujourd'hui. L'enjeu est double : interroger ces remédiations formelles et renouveler nos outils d'interprétation des films. La vue TPS relance les possibilités empathiques de la projection filmique sur trois niveaux : en produisant les conditions d'un alignement et d'un détachement par rapport au personnage (topologique) ; en reliant le corps du spectateur aux mouvements du personnage afin de saisir intuitivement la façon dont celui-ci éprouve son environnement (sensoriel) ; en branchant la position psychique du spectateur sur les situations hallucinatoires vécues par le personnage (psychique). L'empathie dans les jeux vidéo et au cinéma s'appuient donc sur des procédés distincts qui servent néanmoins une même fonction : partager une situation existentielle par l'intermédiaire d'une interface (le point de vue au cinéma, le gameplay dans les jeux vidéo). |