Mots clés |
Bannissement vécu, Auto-bannissement, Rabaissement, Masochisme moral, Pulsion de mort, Pulsion de vie, Dualité sensuel/tendre, Inhibition sexuelle |
Resumé |
Bannissement et liens entre hommes. Un tel rapprochement tend à amener à l'esprit, contemporain, l'idée de la proscription sociale déclinée sous les formes historiques de l'interdiction culturelle, de la pénalisation juridique et de la pathologisation médicale. Aux côtés de cette forme externe de bannissement existe cependant une autre forme, le bannissement interne, dont témoignent les difficultés sentimentales, sexuelles et amoureuses dans les relations entre hommes. Cette thèse s'intéresse à cette seconde forme, en lien avec la première, et propose une lecture par le bannissement de ce que l'on pourrait considérer comme une homophobie internalisée. Que ce soit par les ruptures peu compréhensibles, par l'oubli des partenaires, par l'absence de colère lors des séparations - quand bien même les attachements seraient difficiles à créer et les solitudes vécues péniblement -, quelque chose semble en effet insister dans la clinique du lien entre hommes en rapport au bannissement. En même temps que le sujet peut parfois chercher à contenir le partenaire, à l'enfermer symboliquement dedans ou dehors, il peut aussi être tenté de s'autobannir en ayant recours à des produits ou en mettant en place une sexualité addictive. Mécanismes de clivage, dégoût de l'autre ou dégoût de la sexualité, frigidité, difficultés à construire une relation, l'inquiétant et étrange partenaire tend alors à être cantonné à la limite, à la frontière du royaume. Royaume dont, par un décret inconscient, il pourra être banni. Instruit des manifestations sociales et du risque d'introjection des composantes haineuses d'une homophobie sociale latente, en nous appuyant sur une clinique psychanalytique et des entretiens semi-directifs, nous mettons en œuvre dans cette thèse une démarche archéologique visant à explorer les ressorts juridiques et historiques de la sentence de bannissement afin de penser les difficultés des liens entre hommes. Mis hors du langage, hors du droit et de la protection du droit, assimilé à un loup, le banni pouvait être tué sans que cela ne constitue un crime. Exclu, chassé, maudit et objet de dégoût, il était rejeté de toutes les manières possibles. Aboutissant à la notion de meurtre symbolique du partenaire, notre archéologie permet de souligner la question de la pulsion de mort et l'importance de sa structuration dans les liens entre hommes. Car lorsque la mort réelle emporte le partenaire, lorsque le sujet retourne sur lui-même la tendance au bannissement, que faire alors ? Comment éviter ces auto-bannissements qui entravent la vie affective ? Comment élaborer également le potentiel traumatique du désir incestueux envers le père, où Isaac vient sous le couteau d'Abraham ' scène inconsciente où il s'agit alors que le geste fatal ne se suspende. Le bannissement n'est pas une pratique inconnue pour le psychisme en ce qu'elle renvoie à tout ce que le Moi rejette, aux défenses, à l'excrétion, au refoulement, à la forclusion, à la dénégation, etc. Se produisant à toutes les époques, quand bien même les toujours orgueilleuses modernités correspondantes voudraient y voir un vestige archaïque finissant, sa caractéristique inconsciente s'avère majeure. |