Resumé |
Cette thèse remet en question et problématise la plainte clinique de l'agressivité de l'enfant et enquête sur les formes contemporaines de manifestation de l'agressivité qui exprimeraient, selon notre hypothèse, une souffrance psychique. Pour cela, nous étudions de quelle manière se présentent actuellement les discours sur le dit « enfant agressif » à partir de trois axes principaux : la psychiatrisation de l'agressivité, l'agressivité à l'école et l'agressivité entre les parents et/ou les soignants et leurs enfants. Dans la première partie, nous portons un regard critique sur le discours psychiatrique à travers une analyse généalogique du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). Nous relatons, ensuite, une expérience de terrain dans une école privée. Enfin, nous analysons une seconde expérience de terrain menée dans une ONG inspirée du modèle de la Maison Verte, idéalisée par Françoise Dolto. Avec cette recherche, nous avons cherché à examiner comment l'agressivité, tant des enfants que des parents, se manifeste dans la contemporanéité et dans quelle mesure ce symptôme est lié aux transformations sociales, tant dans le domaine de la famille, que dans le domaine social. Nous partons du principe qu'au niveau psychique, l'agressivité est une composante de l'économie pulsionnelle et peut se manifester de diverses façons. Dans notre conception, donc, la notion d'agressivité est loin de se réduire au champ du comportement. De cette façon, notre recherche a également pour objectif d'opposer une lecture psychanalytique aux lectures médico-pédagogiques de l'agressivité. On a pu constater qu'il existe, dans les plaintes au sujet de l'agressivité de l'enfant, un effacement du discours de la famille au profit du discours du spécialiste qui, fondé sur un désir anonyme, aurait médicalisé l'agressivité, transformant le symptôme de l'enfant en classification psychiatrique. Ainsi, le signifiant « comportement agressif » fonctionnerait comme un signe de risque par lequel la généralisation de la médicalisation psychiatrique serait possible. Toutefois, ce mode de fonctionnement augmenterait le symptôme de l'agressivité, au lieu de le diminuer, tout comme les violences contre l'enfant. En outre, en écoutant les parents et les aidants nous avons pu mesurer l'impasse de l'agressivité dans le domaine de l'enfance. Les destins psychiques de l'agressivité entre parents et enfants sont impliqués dans les transformations sociales de notre temps. La place de l'enfant est autre, le sujet est confronté à l'exigence néolibérale de la performance, les femmes font face au découragement, les parents ont du mal à maintenir le désir et l'autorité. Dans ce contexte, l'agressivité est une voie privilégiée d'expression du malaise. L'agressivité dans l'enfance se présente, ainsi, comme une impasse contemporaine qui, précisément en raison de sa dimension d'impasse, nous fait croire qu'il faut insister dans la psychanalyse comme voie d'écoute de la souffrance et donc, d'ouverture des possibilités d'autres destinations pulsionnelles. |