Mots clés |
Maladie d'Alzheimer, Réserve cognitive, Bilinguisme, Psychanalyse, Tests projectifs, Inhibition, Refoulement |
Resumé |
La maladie d'Alzheimer est une pathologie neurodégénérative qui reste énigmatique à cause de sa complexité neurobiologique et ses manifestations cliniques hétérogènes. En outre, chez certains patients, il y a un manque d'association entre ce que révèle la neuro-imagerie au niveau pathologique et ce que les scores des tests cognitifs montrent aux niveaux des fonctions intellectuelles. Ce phénomène, conceptualisé comme une « réserve cognitive », témoignerait la capacité du cerveau à compenser en dépit de la neuropathologie. Or, le bilinguisme a été identifié comme un possible facteur de réserve cognitive dans la démence, retardant le développement de la maladie par environ 4 ou 5 ans. Les chercheurs ont expliqué les avantages liés au bilinguisme au niveau cognitif, postulant que l'utilisation de plusieurs langues renforcerait les fonctions exécutives, notamment l'inhibition cognitive. Mais aurait-il une autre explication plutôt inconsciente ? Comment comprendre cette réserve cognitive d'une perspective psychanalytique ? Avec deux études pilotes, nous avons exploré ces questions ainsi que le potentiel thérapeutique de l'apprentissage d'une langue étrangère chez les patients âgés ayant des troubles de mémoire. Nous avons fait passer les tests projectifs et cognitifs à 20 participants avec des troubles de mémoire subjectifs ou objectifs et nous avons trouvé une corrélation entre les scores de l'inhibition cognitive sémantique et l'évitement du conflit psychique. En outre, les passations du Thematic Apperception Test (TAT) en anglais et en français des participants bilingues ont révélé des contenus différents en fonction de la langue parlée, notamment avec plus d'élaboration des thèmes angoissantes qui étaient évitées en langue maternelle. Nous proposons que ce phénomène témoigne d'une facilité à la sublimation avec l'utilisation d'une langue moins maitrisée. Ainsi nous avons l'hypothèse que l'utilisation d'une deuxième langue non maternelle, une « langue paternelle », permettrait au sujet de garder encore quelques repères malgré l'égarement provoqué par la maladie. En dépit de la détérioration du langage, le sujet dément bilingue pourrait-il rester divisé entre ces deux langues ? |