Mots clés |
Valeur économique, Valeur sociale, Partenariat, Insertion par l'activité économique, Transition écologique et sociale |
Resumé |
La thèse consiste à enquêter sur la valeur économique d'entreprises à but social cocréées par des associations et des multinationales en France. On parle de joint-ventures sociales (JVS). Ce type d'alliance stratégique a été théorisé par Mohammad Yunus et mis en oeuvre à la fin des années 2000 en France principalement dans le secteur dit de l'insertion par l'activité économique (IAE). Les promoteurs de ce modèle considèrent qu'il recèle un potentiel élevé de création pérenne de valeur et de transformation de l'économie en mariant le business d'un côté et le social de l'autre. Ces ambitions sont sous-tendues par d'importants présupposés théoriques, épistémologiques et ontologiques quant à ce que sont l'économie et le social et, de fait, quant à ce que signifie créer de la valeur économique et sociale. Nous menons donc une enquête théorique et empirique sur ce qui fait la valeur économique des joint-ventures sociales, que nous saisissons dans leurs dimensions organisationnelle et institutionnelle. L'objectif est, in fine, de rendre compte de leur potentiel de pérennité et de transformation de l'économie à l'heure de la « grande transition » écologique et sociale. Un premier temps est consacré à la généalogie organisationnelle des JVS en nous intéressant principalement au groupe d'insertion Ares et de façon plus ponctuelle au groupe Vitamine T. Ceci permet de saisir pourquoi et comment ces groupes associatifs se sont approprié le concept de JVS. Nous cherchons alors à savoir comment ils ont réussi à le mettre en oeuvre alors même qu'il semble marier des logiques irréconciliables. Nous montrons qu'ils ont formé des compromis qui sont des conventions de valeur relatives aux projets d'insertion. S'ensuivent deux analyses articulées autour du problème du caractère hybride des JVS. Un premier ensemble d'analyses d'inspiration polanyienne porte sur les ressources socioéconomiques et leur logique d'affectation. Un second ensemble rend compte de la façon dont les tensions entre logiques sont gérées au sein de ces partenariats sociaux intersectoriels afin de maintenir les conventions de valeur entre les partenaires et avec la filiale. Nous montrons ainsi en acte la dynamique d'encastrement / désencastrement de la logique, dominante, de marché. Enfin, un travail d'histoire de la philosophie économique soutient que la production normative d'imaginaires est consubstantielle à toute activité économique. Ainsi, nous mettons en avant la contribution au processus de construction par les promoteurs des JVS d'un imaginaire partenarial, qui problématise peu ses finalités, en particulier relatives à l'insertion. Le matériau et le travail de réflexivité quant au positionnement sur le terrain auprès d'associations promotrices des partenariats intersectoriels montrent alors comment les discours et les visions élaborés sont pris dans une tension entre idéologie et utopie et contribuent à instituer de façon ambivalente la valeur des JVS. Le temps conclusif et d'ouverture pose de premières pierres en vue du concept d'analyse éco-politique de la valeur. Cette analyse s'intéresse au truchement des rapports institutionnels et organisationnels au travail, à la nature et à la monnaie, dans leurs dimensions socio-politique, morale, matérielle, imaginaire et symbolique, afin de reproduire les conditions et les moyens de la subsistance humaine en vue de la vie bonne. À la lumière d'une telle analyse, que nous relions aux enjeux de la « grande transition », nous proposons des pistes pour la création et la mise en oeuvre de joint-ventures sociales pérennes. |