Héritage, Mouvement populaire, Appropriation signifiante, Identité politique, Remémoration pédagogique

Les expériences de la théologie de la libération en Haïti ont contribué à la relance des luttes populaires réprimées par la dictature duvaliériste. Ces luttes ont participé à la chute de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986. Cet apport décisif de la théologie de la libération a légué un héritage au mouvement populaire post-1986 en termes de relations de pouvoir. Il s'agit de relations de pouvoir à dominante charismatique tissées entre des leaders religieux et laïcs et les bases du mouvement populaire. L'appropriation signifiante de cet héritage a conduit les sujets du mouvement populaire post-1986 à acquérir et consolider une identité politique caractérisée principalement par la valorisation sacralisante des luttes revendicatives et une prudence phobique vis-à-vis du pouvoir d'État. Dans son mouvement contradictoire, ce processus d'appropriation se réalise par l'intermédiaire de quatre modalités spécifiques : 1- l'adoption de pratiques militantes légitimes à travers l'identification à des figures héroïques incarnées par des martyrs des luttes populaires et considérées comme des modèles à suivre, 2- un attachement hétéronomisant aux figures héroïques et à leurs horizons militants, 3- une hésitation entre la recherche de conquêtes politiques satisfaisantes et l'idéalisation des figures du martyr, 4- une remémoration pédagogique des événements majeurs de l'histoire des luttes populaires post-1986 et des figures héroïques associées à ces événements. La remémoration pédagogique est porteuse d'une possibilité de rupture avec l'attachement hétéronomisant parce qu'elle implique la confrontation d'une double temporalité sociale qui aide à la reconstruction de sens.