Mots clés |
Carrière militante, Action collective, Praxis politique, Émancipation, Lutte armée, M-19, Maql |
Resumé |
En Colombie, la reconnaissance sociale des subjectivités politiques des femmes qui ont participé au conflit armé en tant que membres de groupes insurgés se heurte à de grandes difficultés. Les femmes colombiennes font face à d'immenses obstacles pour participer aux espaces publics/politiques et pour être pleinement reconnues comme sujets politiques. À cette situation s'ajoute la négation de l'existence même du conflit armé et du caractère politique des actions et des revendications des guérillas. Les ex-combattantes colombiennes ont été confrontées au déni social de leur existence et de leur histoire, constituant la figure impensable de femmes politisées ayant pris les armes contre le statu quo. L'objectif principal de cette thèse est de contribuer à l'étude et à la reconnaissance des expériences des ex-combattantes en tant que sujettes et actrices politiques dans l'histoire de la Colombie. À cette fin, celle-ci propose une lecture sociologique qui met l'accent sur le caractère politique de leur parcours militant avant, pendant et après leur participation à la lutte armée révolutionnaire. Cette thèse retrace les expériences militantes et la praxis politique des femmes qui ont pris part à deux mouvements armés collectivement démobilisés au début des années 1990 : le Mouvement Armé 19 de Abril (M-19) et le Mouvement Armé Quintín Lame (MAQL). Ce travail se base sur l'analyse de données qualitatives contenues dans une vingtaine d'entretiens semi-directifs, dont certains font partie d'une archive construite par le Réseau National des Femmes Ex-combattantes de l'Insurgence (Red Nacional de Mujeres Excombatientes de la Insurgencia) et qui jusqu'à présent n'avait pas été mobilisée dans des recherches académiques. Il mobilise également des observations participantes réalisées pendant plusieurs mois avec le Réseau et sur l'analyse d'articles d'ex-combattants publiés dans le magazine numérique La 13. Cette recherche s'appuie sur plusieurs champs disciplinaires, notamment les études sur la violence en Colombie, la sociologie interactionniste du militantisme et les études féministes, en particulier le féminisme matérialiste francophone. Grâce au concept de « carrière militante insurgée », cette thèse présente une analyse multi-niveau qui permet une compréhension qui « desexceptionnalise » la période de la lutte armée. Ceci souligne également le caractère processuel et utopique-subversif des expériences militantes qui ne commencent ni ne finissent avec le passage par les groupes armés. Au contraire : après la démobilisation des mouvements armés auxquels elles ont participé, les ex-combattantes prolongent leur militantisme dans des actions collectives émancipatrices en constante évolution. |