Mots clés |
Kurdistan iraquien, Nomades, Tribus, Patrimonialisation, Territoire, Hospitalité |
Resumé |
Au cours de mes années de travail sur le terrain au Kurdistan irakien, en Arménie et dans le sud-est de la Turquie, j'ai toujours éprouvé une sensation étrange face à ces territoires indécis où un paradigme patrimonial dynamique se déployait tandis que des processus potentiellement destructeurs étaient en cours. Ce contexte m'a amené à décrire ces territoires comme des "terroirs terrifiants". Le terme "terrifiant" a été choisi en raison de sa proximité avec le terme "territoire". En droit canonique, le terme latin territorium (territoire) a un lien direct avec le jus terrendi, le droit de terrifier. Le terme "terroir", concept typiquement français, a été reconnu par l'UNESCO en 2005 et s'est depuis internationalisé. Avec cette formule (terroir terrifiant), je cherche donc à désigner un espace où se déroulent des processus de ré-ancrage mémoriel qui s'inscrivent dans un héritage récent, mais aussi dans la crainte permanente d'un effacement violent des lieux anthropologiques passés ou présents. Les districts de Choman et de Koya dans le gouvernorat régional du Kurdistan d'Irak (KRG), qui sont respectivement les lieux d'estivage et d'hivernage des éleveurs mobiles d'identité tribale Mantik que j'étudie, représentent ce type d'espace. Dans le contexte d'un environnement violent, affecté à la fois par la violence environnementale et la patrimonialisation, j'interroge donc les modes de sécurisation de ces éleveurs. Ces modes s'appuient sur des thèmes transversaux tels que - la construction d'une identité tribale et nomade émique (qui s'inscrit notamment dans des rapports de plaisanterie), et éthique (portée entre autres par les médias et les élites kurdes) ; - les actes de territorialisation dans les lieux de stabulation et de mobilité saisonnière ; - les rituels d'hospitalité, entendus comme des pratiques de gestion de l'hostilité, symbolisés entre autres par la fabrication par les femmes et l'utilisation d'un objet typique de la culture nomade aux fonctions " enchanteresses " : le râtelier ornemental (çîx). A travers cette étude, je tente donc de définir les contours d'une géopolitique de la nomadité au Kurdistan irakien, qui s'inscrit dans la géopolitique plus globale du mouton, mais aussi nécessairement ceux des symptômes supposés d'une solastalgie affectant ces éleveurs. |