Les inégalités scolaires en Haïti : le cas de l'enseignement fondamental
Educational inequalities in Haiti : the case of primary education
par Samuel LAGUERRE sous la direction de Marie-France LANGE
Thèse de doctorat en Sociologie démographie
ED 624 Sciences des Societes

Soutenue le mercredi 20 décembre 2023 à Université Paris Cité

Sujets
  • Écoles privées
  • Écoles publiques
  • Éducation
  • Éducation de base
  • Éducation et État
  • Haïti
  • Inégalité sociale

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Mots clés
Haïti, Éducation, Inégalités scolaires, Enseignement fondamental, Écoles publiques, Écoles non publiques
Resumé
Cette thèse analyse les inégalités scolaires en Haïti, en mettant l'accent sur l'enseignement fondamental qui couvre les neuf premières années scolaires, après la maternelle. Nous partons d'un constat : si les principaux dispositifs juridiques haïtiens véhiculent la généralisation de l'éducation et notamment sa gratuité en ce qui concerne les deux premiers cycles du fondamental, force est de constater que cette accessibilité reste théorique, la gratuité scolaire est loin d'être effective, les écarts d'âges entre les élèves y compris d'un même cycle sont considérables, sans oublier la forte domination de l'offre éducative non publique. Nous nous appuyons sur une approche méthodologique mixte qui consiste à croiser à la fois la méthode qualitative et quantitative, même s'il faut préciser que la première est utilisée en priorité, et la deuxième intervient à titre complémentaire. Notre enquête qualitative a été menée auprès de nombreux acteurs tels que des élus locaux, des directeurs d'écoles, des enseignants, des parents d'élèves à la fois dans une zone à dominance urbaine (Port-au-Prince) et rurale (Kenscoff). Ensuite, nous avons pu recueillir des données quantitatives complémentaires à travers, entre autres, les statistiques institutionnelles, les recensements scolaires, les Enquêtes démographiques et de santé (EDS) et les questionnaires que nous avons adressés aux élèves. L'ensemble de ces données nous ont permis de relever une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels tels que la pauvreté, les infrastructures scolaires inappropriées, le manque de ressources pédagogiques, les inégalités de genre, les catastrophes naturelles, les épidémies et l'instabilité politique qui concourent à la reproduction des inégalités scolaires. Ces différents facteurs ont été aggravés par la montée en puissance des gangs armés à la suite de la dégradation des conditions de sécurité au cours des dernières années, les manifestations récurrentes dont le mouvement « pays lock » en 2019, qui s'accompagnent d'actes de violence et de la multiplication des cas d'enlèvements dit « kidnapping ». Nous pouvons également citer les conditions de transport (manque de transport en commun, bouchons, route en terre battue), la distance entre la résidence des enfants et le lieu de scolarisation qui sont autant d'obstacles d'accès à la scolarisation. Si les acteurs que nous avons interrogés évoquent l'existence de ces inégalités scolaires et mentionnent de nombreux facteurs qui semblent les favoriser, cependant, ces inégalités semblent aussi prendre place dans les représentations sociales au point qu'elles sont tolérées ou acceptées socialement comme quelque chose de l'ordre de la normalité. Nos entretiens ont permis entre autres de relever un discours fortement déterministe de la part de nombreux acteurs sur les inégalités scolaires. Des proverbes haïtiens ou expressions locales tirés des entretiens mettent en évidence ce constat. Par exemple, « chak moun kroke makout yo kote yo ka rive » ce qui signifie littéralement « à chacun selon sa capacité ». De même, l'expression en créole haïtien « Pitit Sòyèt » « fils de rien » traduit une forme de légitimation des inégalités entre les enfants au sein de la société. Aussi, les stratégies familiales de scolarisation favorisent également par les représentations sociales en vigueur le maintien des inégalités scolaires et les logiques dichotomiques, dominants/dominés, nègres en haut/en bas, riches/pauvres, lettrés/illettrés. Notre enquête et notamment nos entretiens révèlent comment les inégalités scolaires sont perçues, vécues dans la conscience collective. Si chacun souligne des inégalités d'accès à l'éducation, ils sont très peu nombreux à tenir un discours de lutte contre ces inégalités.