Mots clés |
Demandeurs d'asile, Procédures, France, Ethnographie, Droit en actes, Incertitude, Recommencement, Résistance, Vies fragmentées |
Resumé |
Cette recherche propose une immersion dans le quotidien des exilés demandeurs d'asile en région parisienne. En complément des travaux sur l'économie morale de l'asile, elle aborde les procédures de demande d'asile, qui ne peuvent être réduites aux conditions de production du récit d'asile ni aux deux instances qui jugent l'asile (l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile). Au croisement de l'anthropologie du sujet et de la sociologie du droit en actes, la thèse contribue à penser l'expérience de l'incertitude intrinsèque aux traversées des procédures. Pendant près de quatre ans (de février 2016 à mars 2020), j'ai mené une ethnographie des espaces de l'asile, là où les exilés parlent des procédures, les interrogent et se questionnent sur les démarches à mener. Celle-ci repose sur mon implication auprès d'eux, sur des observations au sein des permanences juridiques, des structures d'accueil et d'hébergement pour demandeurs d'asile, des files et salles d'attente de préfectures, du tribunal administratif, des cabinets d'avocats, de la CNDA, ainsi que sur des entretiens avec l'ensemble des acteurs de l'asile. Cette recherche rend compte de la réception de la politique d'asile par les exilés. L'expérience des procédures est analysée au prisme de l'endurance physique et psychique qui soutient leur quête pour comprendre les diverses procédures et décisions, et faire valoir leurs droits. L'argumentaire suit le processus de recommencement au fondement du vécu de l'incertitude : se perdre, être bloqué, cheminer, et recommencer. Les demandeurs d'asile se perdent dans les chemins de l'asile, ballottés entre les diverses administrations, juridictions et associations, bloqués dans les procédures, obligés de recommencer sans fin les démarches. C'est en cheminant, au sens propre comme au sens figuré, qu'ils parviennent à injecter de l'intelligible dans les procédures. Parcourir les chemins de l'asile, au travers des interactions quotidiennes avec les acteurs de l'asile, est un acte de résistance qui contribue à donner du sens aux règles du droit, et à tenter de s'extirper de situations insécurisantes. Les procédures laissent des cicatrices difficiles à panser. Les existences ainsi fragmentées sont marquées par l'impression de tourner en rond dans sa vie. La ritournelle de l'asile peut être si puissante que certains exilés craignent d'en « devenir fous ». L'objectif de cette thèse est de démontrer que les chemins de l'asile s'inscrivent en continuité des chemins de l'exil. Elle révèle un processus de recommencement dans les situations où l'on fait valoir ses droits, lequel pourrait être observé dans bien d'autres domaines de l'action publique. |