Mots clés |
Protection sociale, Retraite, Non-Salariat, Agriculture, Santé au travail, Vieillissement social, Accès aux droits, Inégalités, Patrimoine |
Resumé |
Cette thèse de sociologie est consacrée à la retraite des agriculteurs. Par-delà leur diversité, les non-salariés de l'agriculture partagent a priori deux caractéristiques : un statut d'emploi qui les affranchit d'un lien de subordination juridique à l'égard d'un donneur d'ordre, d'une part, et un fort attachement à la valeur travail, d'autre part. Ce surcroît d'autonomie et d'identification au travail peut laisser penser que la retraite constitue à la fois une affaire de responsabilité individuelle - ils créent leurs propres risques, à eux de s'en protéger - et une préoccupation subsidiaire. Mais une telle hypothèse ne résiste pas longtemps au sentiment d'injustice éprouvé par les agriculteurs, dont la pension moyenne est la plus faible de toutes - a fortiori pour les agricultrices - alors que les carrières agricoles comptent parmi les plus pénibles et les plus longues. Située au croisement de la sociologie de l'Etat et des politiques sociales, de la sociologie du travail, de la sociologie des mondes agricoles et de la sociologie de la stratification sociale, cette thèse interroge, à partir du cas des non-salariés de l'agriculture dont plus de la moitié des « actifs » a aujourd'hui 50 ans ou plus, les conditions de possibilité et de félicité d'un modèle dans lequel il revient au travailleur de se protéger contre les effets du travail et du vieillissement, et où la retraite, au double sens d'un droit à rémunération et d'un droit au repos, perd en fondamentalité. Pour cela, je m'appuie d'abord sur les résultats d'une enquête de terrain menée dans une région à dominante rurale du Nord-Est de la France. Une trentaine d'entretiens ont été menés auprès d'agriculteurs et d'agricultrices qui se sont installés à la fin du XXe siècle, aujourd'hui retraités ou s'apprêtant à « partir ». Ils s'articulent à une ethnographie du guichet de la caisse régionale de Mutualité Sociale Agricole (MSA) où j'ai observé, pendant quatre mois et sur différents sites, les rendez-vous entre des agriculteurs venus s'informer sur leurs droits à pension et/ou constituer leur dossier retraite, d'un côté, et le personnel chargé de les renseigner et de les accompagner dans leurs démarches, de l'autre. En complément des entretiens et des observations, deux autres matériaux ont été recueillis. Il s'agit premièrement d'un matériau documentaire, constitué d'archives historiques et de documents institutionnels sur le régime vieillesse agricole. Il s'agit secondement des données issues du traitement secondaire d'enquêtes de la statistique publique sur le travail, l'emploi, les retraites et le patrimoine. Fondée sur la combinaison de méthodes qualitatives et quantitatives opérant à différentes échelles du temps et de l'espace, la thèse s'organise en trois grandes sections. Je propose d'abord d'identifier les effets au long cours du non-salariat agricole sur la santé et les aspirations au départ. Depuis une approche à la fois sociohistorique et ethnographique du régime vieillesse des non-salariés de l'agriculture, je tente ensuite de caractériser l' « offre » institutionnelle en matière de droits à pension et d'administration de la protection sociale de la vieillesse agricole. J'analyse enfin les stratégies d'autoprotection sociale auxquels les agriculteurs se livrent pour compenser les défaillances de leur système de retraite et s'arranger avec les contraintes enserrant leur départ. |