Resumé |
La notion de phobie scolaire suscite d'amples controverses qui discutent jusqu'à sa terminologie. La littérature abondante sur le sujet s'avère finalement consensuelle pour en rejeter la validité nosologique, les organisations psychopathologiques sous-jacentes étant prétendument multiples. Les tentatives de réduire la phobie scolaire à un trouble des conduites, dit « refus scolaire anxieux », se heurte également à une polysémie de formes symptomatiques. Entre la divergence des points de vue théoriques et la validation empirique, par le grand public, de la pertinence clinique de la notion, s'ouvre un espace d'interrogations et de nouvelle investigation. L'apparente cacophonie sémantique et/ou nosologique prenant en grande partie son origine dans une volonté idéologique de distanciation vis-à-vis de l'épistémologie psychanalytique, elle semble par conséquent relativement aisé à dépasser. Nous proposons dans ce travail de redonner une unité au concept de phobie scolaire à l'adolescence. Une définition intégrant le point de vue de la classification française normée, nous paraît devoir se compléter d'un critère indissociable du mouvement de retrait de l'école, celui de repli à la maison. Avec cet enfermement au domicile, la temporalité s'efface, les projets d'avenir sont mis à l'arrêt, tandis que se rétrécit l'horizon spatial. La ligne du temps semble s'y briser. Derrière cette temporalité singulière, nous allons chercher les rythmes qui en sont les dérivés « au sens mathématique du terme » (Freud). Les rythmes, qui résonnent à la jonction du corps et de la psyché, définissent l'environnement maternel primaire et composent le premier dialogue avec le monde. Le rythme de sécurité qui s'établit dans la matrice post-natale s'intériorise avec le premier contenant psychique et devient une composante de soi qui soutient le sentiment de continuité d'existence. Notre hypothèse est qu'en ces temps originaires, des ratés de la rencontre, parfois minimes mais souvent cumulatifs, auraient occasionné un trauma dysrythmique, c'est-à-dire l'impossibilité d'intérioriser une enveloppe psychique suffisamment contenante et de s'approprier un rythme de sécurité. Lors de phase de latence, la cadence scolaire a pu maintenir une synchronisation avec un rythme extérieur à soi, comme un étai. Mais face au sentiment de discontinuité que génère la nouveauté pubertaire et sa cascade de remaniements, l'équilibre se rompt, les cadences se sexualisent et le recours à son propre rythme sécurisant, devient plus que jamais nécessaire. A défaut, la dépendance au rythme scolaire devient excessive et se révèle à la moindre coupure (arrêt maladie ou autre) par l'impossibilité à s'y réinscrire après s'en être désynchronisé. L'indicible de cet éprouvé donne des allures d'énigme insondable au vécu de retrait scolaire qu'aucune rationalisation ne parvient à justifier. Cette rupture dans la continuité de la synchronisation rythmique mais aussi dans le sentiment de permanence de soi, précipite l'adolescent dans le domaine des angoisses primitives enkystées, qu'il revisite à la lumière de la nouvelle exigence de complémentarité génitale. Une première étude portant sur 6 élèves racontant, dans l'après-coup, leur expérience de phobie scolaire, va mettre à l'épreuve notre impression clinique d'une temporalité troublée et d'une extrême sensibilité aux rythmicités. Dans un second temps, l'analyse des suivis psychothérapiques de 6 patients, pendant 2 à 4 ans, va faire travailler nos hypothèses tout en ouvrant sur des cliniques singulières. Enfin, l'analyse projective expérimentale des plans d'appartements réalisés par des adolescents phobiques scolaire précise notre travail par l'étude des contenants psychiques. Nous ouvrons sur les perspectives thérapeutiques qui pourraient découler de notre recherche, en particulier l'intégration de la dimension de rythmicité à différents niveaux du dispositif de soins institutionnels et psychothérapiques. |